Diviser pour conquérir : Jouer sur les deux tableaux
Sheila Kaplan a décrit le travail de Porter/Novelli, agence basée à New York et spécialisée dans ce que son fondateur, William Novelli, appelle la « pollinisation croisée ». En travaillant gratuitement pour des associations caritatives liées à la santé, Porter/Novelli réussit souvent à les persuader de défendre les intérêts de ses clients, de grosses sociétés. Au printemps 1993, par exemple, les fabricants de pesticides et les cultivateurs représentés par Porter/Novelli s’inquiétèrent de la diffusion par la chaîne câblée Public Broadcasting Service d’un documentaire de Bill Moyers sur les risques cancérigènes des pesticides. Ils se tournèrent donc vers l’institut national de la lutte contre le cancer (organisme gouvernemental) et la Société américaine de lutte contre le cancer. En plus de travailler pour le premier, Porter/Novelli a offert gratuitement ses services au second pendant plus de vingt ans, ce qui permit à l’agence de convaincre son bureau national de produire un rapport minimisant le risque du cancer causé par les pesticides ‘. « Cette émission suggère des idées non fondées selon lesquelles les résidus de pesticides dans la nourriture peuvent être dangereux à un certain degré », explique ce rapport. Un texte que l’industrie des pesticides utilisa pour « prouver » que le documentaire de Moyers surestimait les risques de cancer .
Nina Oligino, l’une des responsables de l’agence Hill & Knowlton, a utilisé une stratégie similaire de « pollinisation croisée » pour enrôler des groupes écologistes dans l’Association pour la protection contre les rayons de soleil, groupe fantoche créé pour un client de Hill & Knowlton, la transnationale Schering-Plough, qui produit notamment la lotion solaire Coppertone. Cette coalition est utilisée pour « éduquer » l’opinion publique sur les dangers des cancers de la peau, des cataractes et des dégâts causés au système immunitaire par la diminution de la couche d’ozone et l’augmentation des rayons ultraviolets « . La campagne incite les gens à « appliquer une épaisse couche d’écran solaire sur toutes les parties exposées du corps avant de sortir de chez soi ».
L’agence a réussi à enrôler les dirigeants du Conseil de préservation des ressources naturelles et du Sierra Club pour que leurs noms figurent dans l’en-tête de l’Association pour la protection contre les rayons de soleil. Apparemment, ces groupes sont un peu plus qu’une petite touche écolo supplémentaire pour la campagne. Car l’association fantoche n’a évidemment jamais fait de proposition pour limiter la réduction de la couche d’ozone. Le représentant d’un groupe écologiste (qui a demandé à ne pas être cité) a déclaré ignorer que Schering-Plough finançait cette campagne, mais que cette société voulait l’utiliser en sous-main pour vendre sa lotion solaire.
Si l’on souhaite éviter un cancer de la peau provoqué par l’exposition au soleil, il n’existe qu’une seule solution : se couvrir complètement… Mais de tels propos s’apparenteraient à un suicide commercial pour le plus grand fabricant de lotion solaire, dont la marque Coppertone, qui procure aux utilisateurs un « bronzage si sexy ». L’un des « reportages préfabriqués » de la campagne montre les corps superbes et presque nus d’adorateurs du soleil en pleine surexposition aux rayons ultraviolets qui s’enduisent généreusement de crème solaire. Ce reportage ne mentionne bien entendu nulle part le concepteur de la campagne, Schering-Plough .
Vidéo : Diviser pour conquérir : Jouer sur les deux tableaux
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