Art de l'arnaque et science de la propagande
En 1836, le légendaire P. T. Barnum commença sa carrière en achetant une vieille esclave noire, Joice Heth, qu’il présenta comme la « nounou du petit George Washington ». Joice Heth prétendait avoir 160 ans. Qui était-elle en réalité ? Barnum – qui inventa le dicton « Chaque minute, une femme met au monde un nouveau pigeon » — fit lanterner l’opinion pendant des semaines. Il envoya une série de lettres intelligemment falsifiées aux rédacteurs en chef des journaux new-yorkais. Signées de différents noms imaginaires, certaines de ces missives le dénonçaient comme un affabulateur ; d’autres le félicitaient d’être un grand homme qui rendait service aux Américains en leur donnant la possibilité de voir la « nounou » de George Washington. Ce courrier abondant réussit à déclencher une polémique. La presse consacra de nombreux articles et éditoriaux à Joice Heth et les curieux affluèrent pour vérifier par eux-mêmes. Barnum touchait plus de 1500 dollars par semaine en exposant devant les New- Yorkais une vieille femme noire qui fumait la pipe. Lorsque Joice Heth mourut, les médecins procédèrent à une autopsie et estimèrent qu’elle avait environ 80 ans. Barnum géra parfaitement la situation, en bon lobbyiste qu’il était : il se déclara choqué, extrêmement choqué, que cette femme ait pu le tromper. L’essentiel avait été atteint : dans le cadre de sa campagne publicitaire pour le « plus grand spectacle du monde », peu importait qu’il soit considéré comme un escroc ou un saint. Il suffisait que les journaux écrivent correctement son nom et le mentionnent fréquemment.
Les années 1830 marquèrent le début de ce que nous appelons maintenant les « mass médias ». On vit notamment fleurir des journaux qui, tel le New York Sun, se vendaient à un prix très bas afin d’attirer un lectorat important Grâce à leur diffusion, ces publications firent payer des sommes considérables aux annonceurs, au point que ceux-ci, et non les lecteurs, devinrent leur principale source de revenus. Cette nouvelle situation donna aux publicitaires un plus grand pouvoir pour influencer l’information et l’orientation des différentes rubriques. Les journaux offraient des « articles gratuits » à des publicitaires payants – pratique généralement niée mais encore très répandue aujourd’hui, en particulier dans les rubriques des journaux consacrées à l’économie, à l’alimentation et à l’automobile. Selon le History of American Joumalism de James Melvin Lee, on pouvait, à la fin du XIXe siècle, « insérer dans les journaux, à un coût élevé, presque toutes les publicités déguisées sous l’apparence d’in- formadons. Parfois, à côté de ces textes écrits par des clients payants, la rédaction plaçait une petite étoile ou un poignard, mais, le plus souvent, aucun signe n’indiquait aux lecteurs que l’article ne constituait pas de l’information».
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