Les plumitifs du lobby du tabac : Un lobbying sans frontières
À marché mondial, lobbying mondial… Les cigarettiers ont étendu leur commerce à tous les pays et ieur produit y fait des ravages sans distinction de frontières. De sorte que la prévention sanitaire et les mouvements anti-tabac ayant partout vocation à dénoncer le danger, les industriels ont développé leurs pratiques d’influence dans toutes les nations où des professionnels de santé constatent le coût humain et économique du tabagisme. Si les informations concernant leurs opérations de lobbying proviennent aujourd’hui essentiellement des États-Unis26, il n’en est pas moins vrai que l’Europe fut une cible privilégiée des cigarettiers depuis des décennies. Des opérations similaires viseront sans doute aussi demain les pays d’Asie et d’Afrique où les firmes concentrent désormais leur effort pour élargir le nombre de fumeurs.
En Europe, le travail d’influence de l’industrie du tabac a visé aussi bien les milieux politiques que scientifiques d’où risquaient de surgir des oppositions embarrassantes. Les premiers ont été soumis à toutes les tentations possibles, dont le financement des partis politiques. Cette stratégie a encore été employée en Grande-Bretagne en 1996 par un grand industriel de la Formule 1 qui, pour retarder l’interdiction de la publicité sur le tabac, a participé au financement de la campagne de Tony Blair. Devenu Premier ministre, celui-ci tentera effectivement de retarder l’interdiction, mettant le parti travailliste en porte-à-faux, ses déclarations électorales comprenant la lutte contre le tabac… Finalement, l’affaire fut révélée et Tony Blair s’engagea à rembourser l’argent sale. Plus « innocemment », la Seita et les grandes firmes financent le Centre d’information sur la tabac, une agence qui a abondamment vanté auprès du monde politique toutes les manifestations ou les événements plus ou moins financés par leurs soins. De son côté, Philip Morris a créé à Bruxelles un club de réflexion géopolitique, le Philip Morris Institute, qui édita une revue à laquelle – pour ne citer qu’eux – Michel Rocard et le journaliste Philippe Meyer ont collaboré.
Quant aux recherches sur les ravages causés par cette drogue, les multinationales du tabac ont dépensé d’énormes sommes d’argent pour les discréditer ou réduire leur impact. Ils ont créé des « officines pseudo-scientifiques », multipliant les déclarations prétendument basées sur des études objectives
mais qui n’avaient pour seul but que de contredire les recherches alarmantes et de créer la confusion dans l’esprit du public.
Le Washington Posta révélé, en 1997, que Philip Morris aurait « dépensé de grosses sommes d’argent pour acheter des scientifiques »; la France faisait partie des principaux pays où avaient été engagées des négociations avec les scientifiques… Et jusqu’à une période récente, certains chercheurs européens ont servi de relais, en particulier pour nier ou minimiser les dangers du tabagisme passif.
Cette intense activité a également visé les associations, les leaders d’opinion, les médias et les écrivains, appliquant à chacun des procédés adaptés. Les procès systématiques contre les campagnes de sensibilisation aux méfaits du tabagisme organisées par une association telle que le Centre national contre le tabagisme (CNCT) sont particulièrement éloquents 28 L’enjeu pour les cigarettiers étant toujours d’apparaître aux yeux de l’opinion à la fois comme injustement critiquée et garante de liberté.
Il est bon de rappeler combien les grands médias se sont dressés contre les projets législatifs des ministres de la Santé menaçant la publicité des cigarettes – et en particulier ceux de Simone Veil et de Claude Évin . Évoquons aussi les campagnes de désinformation lancées dans la presse pour minimiser les risques liés au tabagisme chaque fois que des enquêtes scientifiques alarmantes allaient être publiées .
Le cinéma français est devenu également un excellent relais pour la publicité indirecte, surtout depuis que certaines sociétés de production nationales ont été fragilisées. Pour ne rien dire des acteurs français qui font de la publicité pour des marques de cigarettes dans les pays en voie de développement ou qui ont des participations financières dans les firmes…
Les opérations de lobbying menées directement auprès du public, depuis la loi Évin, ont consisté à multiplier les contournements de l’interdiction de publicité, en particulier par le parrainage de manifestations sportives, la conception de produits destinés à séduire les jeunes ; voire la distribution de produits les incitant à fumer : en France, l’opération Ailes Bleues… Embarras et dénégations chez les communicants d’Altadis (ex-Seita), selon qui il ne s’agirait que de « dérapages » de certaines hôtesses dont ils n’ont pas eu connaissance…
L’État français, qui a eu longtemps le monopole du commerce du tabac, et qui reste encore « accro » à la taxe qui remplit ses caisses, a été le premier lobbyiste à berner la population pour multiplier les fumeurs. On doit à Louis XIV l’idée « géniale » de faire offrir du tabac à ses soldats, qui restaient ensuite fumeurs à vie. On lui doit aussi d’avoir imposé aux curés la distribution de tabac durant l’office… Saluons enfin la générosité des firmes américaines qui, en 1944, ont su utiliser les contingents de GI’S (dont les différents campements portaient des noms de marques de cigarettes) pour lancer leurs « blondes » auprès d’une population qui associera durablement la cigarette à l’idée de libération .
Rappelons simplement, pour conclure, que le tabac fait 60000 morts par an en France et que les cigarettiers ne reconnaissent encore que la progression que la progression de leur dividendes.
Vidéo : Les plumitifs du lobby du tabac : Un lobbying sans frontières
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